Le Millepertuis : ou comment ensoleiller notre cerveau en quelques fleurs.

La plante des esprits.

Le millepertuis, ou « Hypericum perforatum » était déjà prisé dans l’antiquité pour ses propriétés « psy ». Les grecs l’ont ainsi nommé “hyper” (au-dessus) et “eikon” (image) en référence à son utilisation traditionnelle pour chasser « les mauvais esprits ». Le terme “perforatum” fait quant à lui référence aux petites glandes translucides visibles sur ses feuilles. En français, cette caractéristique d’une plante semblant criblée de milles trous a été retenue sous le terme de « millepertuis ». 

Très probablement d’usage dès la préhistoire, il a fallu attendre l’avènement de l’écriture pour trouver traces de ses indications. Dans la Grèce antique, Dioscoride et Galien recommandent le millepertuis pour traiter diverses affections tels que les troubles nerveux et les blessures. 

Au Moyen Âge, notre hypericum perforatum est surnommé “chasse-diable” pour ses prétendues propriétés de protection contre les esprits maléfiques. Il est d’ailleurs souvent prescrit en première intention dans les cas de troubles mentaux ou nerveux. Ses qualités de régulation de l’humeur autant que de soutien moral ne faiblissent pas au fil des âges. 

Bien au contraire, après Sainte Hildegarde Von Bingen ou encore Paracelse, ce sont aujourd’hui l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), l’ESCOP (Coopération Scientifique Européenne en Phytothérapie) ou encore la NIH (Instituts Nationaux Américains) qui valident sa prescription dans le traitement des troubles psychiques tels que la dépression ou l’anxiété.

Crédit photo Elsa Domenech

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Et si on en cueillait…

En plus de ses vertus, le millepertuis qui a vraiment tout pour plaire est une plante facile à vivre. Il pousse de lui-même dans les prairies, les fossés ou peut-être même sur un talus près de chez vous. 

Cette herbacée vivace atteint généralement entre 50 et 90 cm de hauteur. Elle se caractérise par ses tiges dressées, ramifiées dans la partie supérieure et de petites feuilles ovales dont les glandes translucides donnent l’impression de trous lorsqu’on les regarde à contre-jour. 

Mais la partie qui nous intéresse ce sont ses fleurs. De couleur jaune vif, elles présentent cinq pétales et de nombreuses étamines hérissées.

Suivant l’altitude et l’ensoleillement, le millepertuis fleurit de la mi-juin à la mi-août. Fidèle à sa nature solaire, la concentration de ses principes actifs atteint son maximum vers midi. Il est ainsi préférable de le cueillir en milieu de journée mais surtout par temps sec afin d’améliorer sa dessiccation. 

On récolte les parties aériennes fleuries en veillant toujours à laisser suffisamment de fleurs intactes pour assurer sa reproduction et ainsi la cueillette de l’an prochain. 

Il est évidemment recommandé de cueillir loin des sources de pollution, comme les routes ou les champs traités aux pesticides.

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Quelle est donc la magie de cette plante ?

Si le millepertuis a de nombreuses propriétés thérapeutiques telles que le traitement des brûlures, cicatrices, piqûres, hydratation des disques vertébraux ou encore amélioration de la digestion, nous nous en tiendrons ici à ses qualités psychiques. 

L’hypericm perforatum est reconnu pour ses bénéfices psychothérapeutiques à large spectre sur les troubles anxieux, nerveux, de l’humeur et de la dépression.  

Principalement en cause, l’hypericine et l’hyperforine sont parmi ses principes actifs les plus étudiés.

Chacunes, à leur manière, participent à l’augmentation naturelle des taux de sérotonine, dopamine et noradrénaline dans le cerveau.

L’hyperforine inhibe leur recapture tandis que l’hypéricine réduit leur dégradation en limitant l’activité de l’enzyme monoamine oxydase (MAO). 

Non content de nous offrir de telles substances psychoactives, le millepertuis semble puiser dans les forces de l’été pour harmoniser leurs effets à celle d’autres agents tels que les flavonoïdes (anxiolytiques), les xanthones (neuroprotecteur), les phloroglucinols (antidépressif) ou encore les caryophyllènes et myrcènes (analgésiques). 

En toute humilité face à la sagesse de Dame Nature, il paraît encore difficile pour nos laboratoires de l’industrie pharmaceutique de synthétiser de telles synergies.

Tout aussi classiquement qu’un antidépresseur sur ordonnance, les effets d’une cure de millepertuis se manifestent, de manière significative, après 2 à 3 semaines de traitement. Le temps aux taux de sérotonine, dopamine et noradrénaline de remonter et de se stabiliser. 

Une fois en quantité suffisante, la sérotonine régule l’humeur, le sommeil, l’appétit, la perception de la douleur, la libido et l’anxiété. Ce neurotransmetteur qualifié parfois « d’hormone du bonheur » nous permet en somme d’éprouver de la joie et de la sérénité. 

La dopamine, sa comparse, joue un rôle crucial dans la sensation de plaisir et de récompense. Grâce aux sentiments de satisfaction qu’elle procure, elle assure de meilleures réponses émotionnelles et améliore ainsi nos qualités de motivation autant que de concentration. 

Enfin, la noradrénaline participe à la stabilisation de l’humeur dans les situations de stress ou de vigilance. Ce neurotransmetteur aide aussi à maintenir la concentration en plus de préserver notre énergie.

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Comment tirer le meilleur parti de ses qualités ?

Si vous envisagez une cure, elle est souvent préconisée dès l’automne pour les personnes sensibles aux dépressions saisonnières, ou bien pendant l’hiver jusqu’au printemps en association avec de la vitamine D.

Le millepertuis est disponible sous plusieurs formes galéniques en fonction de ses usages thérapeutiques : 

🔸Les infusions de millepertuis sont souvent utilisées pour leurs effets calmants et antidépresseurs même si la température élevée d’une telle préparation peut altérer une part de ses principes actifs. Le totum de la plante risque alors d’en être affecté ainsi que son équilibre.

🔸Les extraits standardisés, sous forme de gélules ou de comprimés, contiennent des quantités dosées d’hypéricine et d’hyperforine et sont recommandés par les médecins pour un traitement plus ciblé de la dépression. 

🔸L’huile de millepertuis semble l’une des formes les plus proches de la plante. Grâce aux techniques de macération à froid, l’extraction préserve les principes actifs aussi bien que l’équilibre du totum de la plante. L’huile de millepertuis s’avère fort utile en application locale pour ses propriétés anti-inflammatoires, hydratante et cicatrisantes. Elle a pour avantage de pouvoir être aussi consommée avec tous les bénéfices sur l’humeur qu’on lui connaît.

🔸Les teintures mères, les extraits hydro-alcooliques, sont eux aussi couramment utilisés en phytothérapie pour le traitement des troubles psychiques.

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Face à une substance aussi efficace, il importe de savoir raison garder. 

Bien que le millepertuis soit une plante largement bénéfique et sûre, certaines précautions sont nécessaires pour éviter les interactions médicamenteuses et les effets indésirables.

⚠️ Photosensibilité : Le millepertuis (en application locale et en ingestion) peut augmenter la sensibilité de la peau au soleil, entraînant des coups de soleil ou des réactions cutanées. Il est recommandé d’éviter une exposition prolongée au soleil et/ou de porter une protection solaire adéquate.

⚠️ Usage concomitant avec des antidépresseurs : L’utilisation du millepertuis en même temps que d’autres antidépresseurs peut provoquer un syndrome sérotoninergique, une condition potentiellement dangereuse due à un excès de sérotonine.

⚠️ Interactions médicamenteuses : certaines marques de contraceptifs oraux, anticoagulants, ou médicaments contre le VIH et le cancer pourraient voir leurs effets réduits lors d’une cure de millepertuis. 

⚠️ L’Organisation mondiale de la santé et le NIH déconseillent l’usage du millepertuis chez les femmes enceintes.

Par conséquent, il est essentiel de consulter un professionnel de santé avant de commencer un traitement au millepertuis si vous prenez d’autres médicaments.

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Et si vous faisiez votre Huile de Millepertuis ? En voici La Recette !

Pour ce faire, vous aurez besoin de :

🌼 Fleurs fraîches de millepertuis (Hypericum perforatum)

🫒 Huile d’olive bio extra vierge première pression à froid.

🫙 Un bocal en verre propre et sec avec un couvercle hermétique

🏵️ Une étamine ou un filtre fin

🍶 Une bouteille en verre foncé pour la conservation.

  1. Récolte des Fleurs :

Lorsque vous avez récolté vos fleurs de millepertuis par une belle journée chaude et ensoleillée, il est bon d’offrir à votre récolte un petit temps de dessiccation au soleil.

Cela laisse le temps aux bébêtes de prendre la poudre d’escampette et aux fleurs de rendre une part de leur humidité. Il est possible, si vous avez un deshydrateur ou si le temps est estival, de sécher quasi complètement la plante. Par contre, mieux vaut ne pas attendre avant de mettre les fleurs en bocaux.

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  1. Préparation du macérât :

Remplissez un bocal en verre avec les fleurs de millepertuis, sans les tasser. Il doit y avoir suffisamment de place pour que l’huile puisse s’infiltrer partout.

Versez l’huile d’olive extra vierge dans le bocal en veillant à bien immerger toutes les fleurs. 

L’huile d’olive est idéale pour ce type de préparation car elle est connue pour sa stabilité oxydative. Grâce aux polyphénols et la vitamine E qu’elle contient, elle stabilise et préserve la qualité du macérât dans le temps. L’huile d’olive est aussi riche en acides gras monoinsaturés, en particulier en acide oléique. S’ils sont bénéfiques pour la peau, ces acides gras ont surtout pour mérite d’optimiser l’extraction des principes actifs de la plante ainsi que leur absorption par l’organisme.

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  1. La macération :

Si vos fleurs sont encore fraîches, il importe de laisser votre bocal ouvert afin que l’humidité puisse s’évaporer. Pour autant, il est bon de le couvrir d’un tissu propre ou d’une étamine. Si les fleurs sont parfaitement sèches, refermez le bocal hermétiquement.

Il vous reste à trouver un endroit ensoleillé où placer votre préparation. La lumière du soleil joue un rôle crucial dans le processus de macération car elle aide à libérer les principes actifs des fleurs dans l’huile. 

Laissez le bocal au soleil pendant environ 6 à 8 semaines en le secouant légèrement de temps en temps. Si le bocal était seulement couvert d’un tissu ou d’une étamine, il est possible de le fermer hermétiquement au bout de 3 semaines environ. 

  1. Filtrage et Conservation :

Une fois la magie de la solarisation opérée, l’huile chargée des propriétés de la plante arbore une couleur rouge intense et profonde. 

Vient le moment de la filtrer et de la mettre en bouteille. Le mieux est une bouteille opaque et hermétique afin de préserver le macérât. 

Conservée dans un endroit frais et sombre, l’huile de millepertuis peut être consommée pendant plus d’un an. 

  1. Faire une cure d’Huile de Millepertuis.

Pour profiter des bénéfices du millepertuis sur l’humeur, il est possible de consommer l’huile de millepertuis en la diluant dans une peu d’huile d’olive. La quantité d’huile à ajouter dépendra de la concentration de votre huile de millepertuis, soit de la quantité de fleurs que vous aurez eu le courage de ramasser. 

L’équivalent, chaque jour, d’une cuillère à café d’huile de millepertuis (diluée) couvre largement les besoins d’une cure. 

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En vous souhaitant de belles cueillettes et recettes. 

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Bibliographie :

 

  1. Dioscoride, Pedanius. De Materia Medica. Édition originale : 1er siècle après J.-C. Édition moderne : I.B. Tauris, 2005. 696 pages.
  2. Galien. Sur les Facultés des Plantes. Édition : Éditions Vrin, 2010. 432 pages.
  3. Hildegarde von Bingen. Physica: Les plantes médicinales et autres remèdes naturels. Éditions du Cerf, 1996. 448 pages.
  4. Paracelse. Opera Omnia Medico-Chemico-Chirurgica. Éditions : BiblioLife, 2009 (réimpression). 612 pages.
  5. World Health Organization (WHO). WHO Monographs on Selected Medicinal Plants – Volume 1. Geneva: World Health Organization, 1999. 289 pages.
  6. European Scientific Cooperative on Phytotherapy (ESCOP). ESCOP Monographs: The Scientific Foundation for Herbal Medicinal Products. Thieme Publishing Group, 2003. 600 pages.
  7. National Institutes of Health (NIH). Herbal Medicine: Biomolecular and Clinical Aspects, 2nd edition. CRC Press, 2011. 550 pages.
  8. Barnes, Joanne, Linda A. Anderson, and J. David Phillipson. Herbal Medicines. Pharmaceutical Press, 2007. 500 pages.
  9. Blumenthal, Mark. The Complete German Commission E Monographs: Therapeutic Guide to Herbal Medicines. American Botanical Council, 1998. 685 pages.
  10. Bruneton, Jean. Pharmacognosie: Phytochimie, Plantes Médicinales. Éditions Lavoisier, 2009. 1120 pages.
  11. Chevallier, Andrew. Encyclopedia of Herbal Medicine: 550 Herbs and Remedies for Common Ailments. DK Publishing, 2016. 336 pages.
  12. Foster, Steven, and Rebecca L. Johnson. National Geographic Guide to Medicinal Herbs: The World’s Most Effective Healing Plants. National Geographic, 2012. 400 pages.
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