L’écriture a changé l’homme.

Écrire. Cette capacité ancestrale qui permet à la parole de voyager à travers l’espace et le temps. 

En créant l’histoire, en générant de la place à penser, en symbolisant, en abstrayant, l’écriture a laissé une empreinte indélébile sur le fonctionnement cognitif des humains, leur manière de penser, leurs relations et l’organisation de leurs sociétés.

Du point de vue de leur fonctionnement intellectuel, l’écriture a permis aux humains de stocker, de transmettre des informations de manière pérenne et fiable ce qui a favorisé l’émergence de la pensée abstraite, de la logique ainsi que le recul nécessaire à la réflexion. Elle a créé une mémoire collective, préservant les connaissances, les histoires, les traditions et les cultures à travers les générations. Cette mémoire, véritable pilier de l’identité des sociétés humaines, a nourri l’esprit critique autant que créatif des individus.

Sur le plan de la communication, l’écriture a révolutionné les échanges. Elle a transcendé les limites de l’espace et du temps, permettant aux individus de communiquer à distance, de laisser une trace durable de leur pensée. Cet outil a favorisé l’émergence de formes d’expression personnelle et créative, ouvrant la voie à une exploration introspective et artistique. Les journaux intimes, la poésie, la littérature ont ainsi offert aux humains un espace privilégié pour explorer leurs émotions, leurs idées, leur imaginaire.

Pour autant, l’écriture n’est pas seulement un moyen d’expression individuelle. Elle a également joué un rôle crucial dans l’évolution sociale, façonnant les structures politiques, juridiques, éducatives et religieuses des sociétés humaines. Elle a contribué à la diffusion des idées et des valeurs, influençant les mentalités et les comportements. Elle a été utilisée pour consigner les lois, les règles, les contrats, mais aussi pour propager des idéologies politiques et religieuses, exercer un pouvoir sur les opinions publiques.

En cela, de la simple inscription sur des tablettes d’argile à la rédaction de traités politiques, l’écriture a reçu de Claude Lévi-Strauss une critique acerbe qui peut surprendre en première lecture, mais qui invite à nous interroger sur l’usage que nous faisons des outils, aussi riches de potentiels soient-ils. (Téléphone, Internet, IA…)

“Le seul phénomène qui semble toujours et partout lié à l’apparition de l’écriture […] c’est la constitution de sociétés hiérarchisées, de sociétés qui se trouvent composées de maîtres et d’esclaves, de sociétés utilisant une certaine partie de leur population pour travailler au profit de l’autre partie. Et quand nous regardons quels ont été les premiers usages de l’écriture, il semble bien que ces usages aient été d’abord ceux du pouvoir : inventaires, catalogues, recensements, lois et mandements ; dans tous les cas, qu’il s’agisse du contrôle des biens matériels ou de celui des êtres humains, manifestation de puissance de certains hommes sur d’autres hommes et sur des richesses. Contrôle de la puissance et moyen de ce contrôle. […] L’écriture […] ne nous paraît associée de façon permanente, dans ses origines, qu’à des sociétés qui sont fondées sur l’exploitation de l’homme par l’homme.”

Claude Lévi-Strauss, in Georges Charbonnier, Entretiens avec Claude Lévi-Strauss, Paris, Plon et Julliard, 1961, p. 32-33.

📸 Photos Elsa Domenech : collection du Louvre. Antiquités du Proche-Orient. 

⚱️ Écritures : chypro-minoenne, cunéiforme (pictographique, ideographique, phonétique), phénicienne, protosinaïtique, sud-arabique…

🏺 Langues : ougaritique, hourrite, akkadienne, moabite, utique, élamite, vieux-perse, iranienne, babylonienne, sabéenne, cananéenne…

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